« “Voilà ma fin” : La mort volontaire des hommes infâmes »
Écrits fantômes. Lettres de suicides (1700-1948) de Vincent Platini (Paris, Verticales, 2023).
Dans la préface de 1855 à son ouvrage intitulé Du suicide et de la folie suicide considérés dans leurs rapports avec la statistique, la médecine et la philosophie, Alexandre Brierre de Boismont proposait d’étudier les « causes et […] leur influence sur la production du suicide » à partir d’un matériau « nouveau et plein d’intérêt » : la « volumineuse correspondance laissée par les victimes »[1]. Au chapitre intitulé « Analyse des derniers sentiments exprimés par les suicides dans leurs écrits », l’aliéniste établissait alors une typologie de lettres de suicide selon un critère bien subjectif, celui de la « véracité » de leurs motifs[2]. Si cet exemple témoigne du fait que l’intérêt pour les lettres de suicide n’est pas nouveau (Vincent Platini cite d’ailleurs Brierre de Boismont parmi les exemples des projets le précédant), l’ouvrage Écrits fantômes. Lettres de suicide (1700-1948), se distingue non seulement de ces études où la lettre est mise au service de la constitution d’un savoir (qu’il soit médical ou non)[3], mais aussi, comme l’auteur tient à le préciser lui-même à la fin de son ouvrage, de ces anthologies de « lettres nues […] jetées au lecteur pour le plaisir du frisson et du voyeurisme » (p. 335)[4].
Renvoyant dos à dos ces deux modèles, Écrits fantômes se pense plutôt comme un recueil composé de lettres de suicide glanées dans « des fonds d’archives, des journaux et quelques livres » (p. 11). Le projet évoque d’emblée celui, inabouti, de Michel Foucault autour des « hommes infâmes », cette « anthologie d’existences » faites de « vies de quelques lignes ou de quelques pages »[5]. Cependant, si Michel Foucault renonçait à tout ordonnancement et présentation des textes qu’il publiait afin de s’en tenir au « lyrisme frugal de la citation[6] », le chercheur en littérature comparée, lui, commente et ordonne sa matière archivistique selon le dispositif suivant : les lettres de suicide sont chacune introduites par un résumé des « circonstances » qui les accompagnent afin qu’« on en comprenne la mise en scène », et elles se voient réparties en « dix cercles, non pas concentriques mais entrelacés » selon « les figures que présentent les scripteurs suicidants ». Chaque section fait l’objet d’une introduction de deux ou trois pages « mettant en lumière les enjeux, les données et les contraintes de ces figures » (p. 335). L’ouvrage se présente donc comme une anthologie mais aussi comme le lieu de recueillement : Vincent Platini y insiste au début et à la fin, ni pièces de cabinets de curiosité ni matière à faits divers, ces écrits, qu’il restitue « comme ils [lui] sont apparus » en en respectant avec minutie la graphie, « méritent le respect des souffrances et les attentions de la lecture » (p. 11) et invitent à « faire silence » (p. 337).
De la Lettre de suicide à la LdS
C’est seulement à la fin de son ouvrage – dans une postface intitulée « Mots pour après » – que Vincent Platini revient sur sa démarche et propose une analyse des lettres de suicides. Il y définit son objet comme « un écrit adressé à un destinataire, individuel ou collectif, qui doit transmettre un message en rapport avec le suicide du scripteur, que ce suicide soit exécuté, qu’il échoue ou qu’il reste à l’état de plan » (p. 327). L’insistance sur l’aspect allocutif et scriptural permet, selon Vincent Platini, de distinguer la lettre de suicide du « vaste groupe des suicide notes » qui réunit des textes autobiographiques, chansons, poèmes ou journaux ayant trait au suicide (p. 327). Si l’on peut regretter l’emploi du terme « échouer » (comme celui de l’expression de « suicide “raté” » un peu plus bas), il nous semble que la définition de Vincent Platini, qui peut paraître assez large, a le mérite d’une certaine souplesse en tant qu’elle lui permet de rendre compte de la variété des textes que le lecteur rencontre. Citons-en quelques exemples : la lettre-testament des deux dragons (p. 72), le faire-part de Joséphine Péro (p. 58), les feuillets de calendrier annotés (p. 303), une pierre gravée (p. 325), une invitation à l’enterrement du suicidé (p. 225), une phrase écrite sur le coin d’un papier journal (p. 162), ou encore ces quelques mots tracés à la craie sur une ardoise : « J’en ai marre » (p. 312). Notons d’ailleurs d’emblée que le recueil s’autorise un certain nombre d’écarts par rapport à son objet, en publiant par exemple l’« Album des suicides » de Monsieur Revel, cahier d’illustrations tenu par le pharmacien de la Maison d’arrêt cellulaire de Mazas à Paris entre 1850 et 1874 au sujet de suicides de détenus. Vincent Platini inclut également des textes qui ne relèvent pas du genre épistolaire et qui représentent le suicide au moment même de sa réalisation pour en faire « une fresque de l’agonie » (p. 144), à l’instar des « Impressions d’un empoisonné » publiées par Le Constitutionnel : « entre journal intime et reportage, écrit Vincent Platini, ces pages, qui ne sont pas vraiment des lettres, oublient le destinataire pour se concentrer sur les pulsations du je. » (p. 146)
Même si la lettre est, dès les années 1790, un lieu commun du « paysage imaginaire du suicide » (p. 14), les archives publiées par Vincent Platini rendent bien compte de sa multiplicité : « j’écris la lettre mais c’est un pluriel. Forme, taille, fonction, registre, tout diffère » (p. 328). D’où le choix de privilégier tout au long de l’ouvrage l’expression suivante, LdS, dont l’auteur assume qu’elle n’a pas de « fondement théorique » et relève uniquement d’« une valeur pratique et [d’]un goût personnel ». La LdS apparaît alors moins comme un objet taillé par une recherche historique ou théorique que comme le support d’une projection poétique de la part de l’auteur pour qui « l’abréviation autorise une polysémie rêveuse, interminable – lettre de suicide, libelle de salut, liberté du sujet, littérature de soi, lecture des spectres, ligne de saut, ou encore : elle, déesse » (p. 329-330).
La fabrique d’un recueil
Exhumer ces « écrits de morts minuscules » (p. 329), les sortir des fonds d’archives pour les donner à lire, là réside la valeur incontestable de l’ouvrage de Vincent Platini. La postface revient sur le travail archivistique précédant à l’édition de ces lettres et plonge le lecteur dans la fabrique du recueil. Vincent Platini y explique que la localisation des lettres de suicide dépend de l’évolution de son histoire, raison pour laquelle l’entreprise a nécessité de consulter des fonds d’archives divers : les archives judiciaires pour la période allant de 1700 à 1791, les archives de la préfecture de police pour les années 1792 à 1890 (avec une interruption entre 1820 et 1880 en raison de l’incendie de 1871) et enfin les archives de Paris pour la période 1900-1948. Sont aussi mobilisés les fonds des archives départementales d’Eure-et-Loir et du Finistère, mais aussi certains quotidiens comme Le Constitutionnel, régulièrement cité, et Le Figaro. Sur les 555 lettres de suicide recueillies, 90 proviennent des journaux, « quelques-unes » de « traités »[7], et les 450 restantes sont des « documents autographes ou recopiés par la police » (p. 332).
Parce que la lettre est avant tout un « objet » (p. 325), Vincent Platini dit tenir à rendre compte de la matérialité de l’écriture et de ses supports, ses « qualités concrètes, charnelles », soit « la graphie, le format, l’encre, le support, l’enveloppe » (ibid.). Un changement de typographie permet de différencier les autographes originaux de lettres imprimées ou recopiées et certaines indications précisent par exemple lorsque la main semble trembler ou que l’écriture devient illisible (voir par exemple p. 153). Quelques fac-similés illustrent parfois les pièces retranscrites : même s’il s’agit sans doute d’une contrainte de l’éditeur, on regrette qu’ils ne soient pas plus nombreux et systématiquement reproduits en couleur (comme c’est le cas, par exemple, dans les Archives de l’infamie ou le catalogue de l’exposition Les Manuscrits de l’extrême).
Trois critères semblent avoir présidé à la sélection des lettres : tout d’abord, Vincent Platini dit avoir privilégié les « lettres disponibles in extenso » (p. 332). Les bornes chronologiques choisies constituent un deuxième critère : elles se justifient d’une part par un souci pratique (« trop peu de lettres avant le XVIIIe siècle ») et d’autre part par une question liée au droit d’auteur et au respect de la vie privée : « il fut ainsi décidé, écrit Vincent Platini, d’attendre soixante-quinze ans ou presque après le suicide et d’anonymiser les lettres les plus récentes pour ne pas heurter les éventuels descendants » (p. 334). Le troisième critère est celui d’une subjectivité assumée : « la surprise de l’infraction a guidé une partie de mes choix, ajoute l’auteur. Ni enquête sociologique ni somme historique, ce recueil est au fond, bien subjectif » (p. 333).
« Masques mortuaires » : une littérature de soi
Comment lire une lettre de suicide ? Et comment situer cet objet ainsi que la lecture qu’il appelle dans le champ des études littéraires ? Malgré le caractère subjectif de son entreprise, Vincent Platini cherche à théoriser et à situer son objet du point de vue des études littéraires, tentant d’en cerner la spécificité. L’auteur montre que si la lettre de suicide peut bien appartenir au domaine des écritures ordinaires[8], cette dénomination risque en réalité de ne pas rendre suffisamment compte des conditions exceptionnelles d’énonciation. D’où la nécessité, pour l’auteur, de « lire ces messages à l’aune d’une pragmatique de la mort et prendre la mesure des transformations qui s’y jouent » (p. 320). Le terme d’écrits bruts apparaît lui aussi insatisfaisant à Vincent Platini : Michel Thévoz désignait en effet par cette expression tout texte « produit par des personnes non cultivées, ignorant (volontairement ou non) les modèles du passé, indifférentes aux règles du bien écrire, totalement étrangères par conséquent aux modèles de l’institution littéraire, au monde des éditeurs, des critiques ou des lecteurs[9] ». Or Vincent Platini rappelle que « bon nombre de ces écriveurs connaissent les règles de l’art épistolaire, s’appuient sur la littérature reconnue » et tentent aussi, pour certains, de « faire œuvre » (p. 329). L’idée d’« archives mineures », forgée par Philippe Artières par opposition aux « archives majeures »[10], semble à l’auteur plus convaincante, puisque les lettres de suicide retrouvées ont été conservées « non pour l’individu en lui-même mais comme résidus, dans l’ombre d’une grande instance » (p. 329).
Mais c’est finalement avant tout comme littérature de soi que Vincent Platini propose de lire la lettre de suicide, en mettant en avant un certain « optimisme de l’écriture ». Même si le suicide est bien évidemment une « destruction du sujet », la lettre de suicide, elle, représente pour le chercheur « la chance d’une subjectivation » (p. 320) : l’écrit offre la possibilité d’une « image de soi », voire, selon la perspective foucaldienne qui fait de l’écriture une technique de soi[11], un « outil de soi » (p. 321). Cette lecture de la lettre de suicide comme littérature de soi donne aux dix chapitres du livre leur principe d’organisation : le critère, écrit Vincent Platini, a été de « considérer le sujet apparaissant dans ces lettres, quelle figure posthume il choisit de présenter, ce contre quoi il se fait, quels points de résistance il oppose » (p. 335).
Le risque aurait alors été de procéder à une typologie réductrice, d’associer à chaque chapitre un ethos défini et de s’engager vers un discours généralisant, mais Vincent Platini y échappe en choisissant des catégories aux contours volontairement lâches. Les sections se superposent volontiers et, loin de prétendre enserrer tous les aspects des lettres, dégagent seulement un fil commun qui les traverse : l’adresse aux parents mais aussi à l’institution judiciaire, la prise à témoin de Dieu, l’invocation de sa liberté, de son honneur ou de l’amour. Un chapitre est exclusivement consacré aux lettres écrites par des militaires ou des policiers, qui présentent une « figure soldatesque » entrant en tension avec l’acte de désobéissance que représente le suicide (p. 69), un autre chapitre est consacré aux « artistes » qui envisagent dans leur lettre le suicide comme « une œuvre de soi » (p. 179). C’est aussi le corps souffrant qui est évoqué dans de nombreuses lettres, où le suicide apparaît comme « le grand remède » (p. 133) à une maladie. La dernière section, enfin, rassemble des écrits qui partagent, selon un critère plus stylistique, le même caractère « laconique », ce qui conduit Vincent Platini à s’interroger : « pourquoi laisser un mot plutôt que rien ? » (p. 305).
Une scénographie du suicide
Dans Clinique de l’écriture, Philippe Artières insistait sur le fait que les discours médicaux des années 1850 sur les autographes de suicidés s’attachaient à mettre en scène « l’écrit dans l’espace de la mort ». En détaillant les circonstances de la découverte de la lettre de suicide, Brierre de Boismont faisait ainsi de l’écrit l’élément d’un « diptyque avec le corps : l’énigme et sa solution[12] ». S’il ne s’agit bien entendu pas pour Vincent Platini d’éclairer les causes du suicide, les textes introductifs qui précèdent chaque archive apparaissent toutefois comme autant de manières de mettre en scène la LdS telle qu’elle se découvre en même temps que le corps du suicidé. L’une des singularités de l’ouvrage réside en effet dans le soin accordé par l’auteur à introduire les LdS par un texte qui vise à « éclairer » le document (p. 11).
Si ces notices ont l’intérêt de nous donner des indications sur les scripteurs et de ne pas les réduire à leur dernier écrit, elles ont aussi pour effet, nous semble-t-il, de dramatiser et d’ancrer le document dans une scénographie dont la lettre constitue l’élément central. La notice est en effet l’occasion d’une description de la scène de suicide. Vincent Platini l’écrit principalement au présent, du point de vue des témoins, et le lecteur découvre le corps et le document avec le proche, les pompiers, la police ou le concierge[13]. Or, et c’est là le point problématique de l’ouvrage selon nous : si Vincent Platini évoque parfois le préfet ou la main courante rapportant les faits[14], trop nombreuses sont les notices qui donnent des informations sur la vie sociale, affective ou intime des suicidés sans les sourcer précisément[15]. Le style bref, paratactique, prétendument neutre, épouse alors sans le rendre visible un certain regard sur le suicide. Les notices intègrent par conséquent les lettres à un schéma narratif qui oriente la lecture de la LdS selon une perspective qui est celle du procès-verbal d’où, on l’imagine, Vincent Platini a dû tirer les informations non sourcées. En écrivant par exemple sans aucun référencement que le suicidé « connaît des déceptions dans ses affaires et dans ses idées politiques » et qu’il avait eu deux mois auparavant une explication avec son épouse « au sujet d’une liaison » (p. 231)[16], la notice prend le parti d’une causalité suggérée par le procès-verbal et par ce que le représentant de l’institution a bien voulu retranscrire de la parole des témoins, sans représenter ces propos comme des discours rapportés qui auraient permis de les mettre à distance et de les situer dans un contexte de production précis.
Se révèle alors un angle mort d’Écrits fantômes, à savoir l’absence d’archéologie détaillée du regard qu’une société donnée porte, au fil des âges, sur le suicide, quand bien même ce regard impacte directement l’écriture de la lettre mais aussi sa mise en récit dans les archives. Il est vrai que les introductions qu’on trouve au seuil de chaque section permettent de donner quelques éléments de contextualisation, mais celles-ci restent trop générales pour rendre compte précisément des conditions de production (et de réception) de la lettre de suicide. Cette difficulté provient sans doute des bornes chronologiques particulièrement larges qu’a choisies Vincent Platini : il est en effet difficile de contextualiser deux siècles et demi d’histoire en quelques pages seulement (peut-être que cela n’est pas non plus le but d’un ouvrage qui n’est pas publié dans une maison d’édition de sciences humaines). Esquissant une histoire du suicide à grands traits, Vincent Platini pointe quelques grandes inflexions, telles que la décriminalisation progressive de « l’homicide de soi-même » à partir de 1791 qui transforme le statut de la lettre de suicide (« de pièces à conviction, elles deviennent preuves à décharge », p. 14), ou encore la psychiatrisation progressive du suicide au fil du xixe siècle (p. 134).
On aurait donc aimé que Vincent Platini propose, en même temps qu’une anthologie de LdS, une histoire et une contextualisation plus fine des regards qui ont pris, entre 1700 et 1948, le suicide comme objet. On s’étonne d’autant plus de cette absence que l’auteur rappelle lui-même à la fin de l’ouvrage que « la lettre est une invention policière – une invention au sens archéologique du terme : une découverte » (p. 318). Pourquoi, dans ce cas, n’avoir pas rendu plus visible cette « invention » ? Comme l’écrit Michel Foucault, si les écrits des hommes infimes nous parviennent aujourd’hui du fond des âges grâce aux archives, c’est parce qu’ils ont un moment été éclairés par une rencontre avec l’institution : « ce qui les arrache à la nuit où [ces vies] auraient pu, et peut-être toujours dû rester, c’est la rencontre avec le pouvoir : sans ce heurt, aucun mot sans doute ne serait plus là pour rappeler leur fugitif trajet[17] ». Il nous apparaît dès lors problématique d’un point de vue scientifique de ne pas rendre davantage explicites ces conditions qui entourent et déterminent la lettre de suicide.
Ces quelques réserves d’ordre méthodologique ne nous empêchent pas de considérer Écrits fantômes comme un ouvrage original, susceptible d’inspirer les études littéraires en témoignant des possibilités qu’elles ont d’accueillir et de donner à voir des écritures ordinaires étouffées par les institutions et les tabous : c’est dans cette capacité à faire entendre ces voix minorées que réside le sens de l’entreprise de Vincent Platini et sa qualité. L’auteur le résume lui-même très bien à la fin de son ouvrage, quand il écrit que « nous avons besoin de ces lettres » : « Leur absence creuse un vide sémantique. […] Elles racontent des désespoirs oubliés et leur issue. Elles sortent les défunts de la catégorie des fous, des lâches ou des victimes. Elles éclairent. Si l’on veut parler de suicide non plus à l’écart, dans la honte, mais au sein de la société, sans doute faudrait-il d’abord écouter ces voix tues, faire silence et lire » (p. 337). Le livre résonne ainsi d’une pluralité d’émotions, celles du chercheur, du lecteur, et bien entendu des auteurs et autrices de ces lettres, « ces vies infimes devenues cendres dans les quelques phrases qui les ont abattues[18] ».
[1] Alexandre Brierre de Boismont, Du suicide et de la folie suicide considérés dans leurs rapports avec la statistique, la médecine et la philosophie, Paris, Germer Baillière, 1856, p. x.
[2] Brierre de Boismont identifiait les trois causes suivantes : « motifs vrais, motifs exagérés ou futiles, motifs faux, dernière preuve de la difficulté de détacher, même au moment de la mort, le masque sous lequel se cachent le mensonge et d’hypocrisie » (Ibid., p. x).
[3] Outre l’ouvrage de Brierre de Boismont, Vincent Platini cite aussi l’étude d’Albert Des Étangs, Études sur la mort volontaire. Du suicide politique en France depuis 1789 jusqu’à nos jours (Paris, Victor Masson, 1860) et celui d’Albert Bayet, Le Suicide et la Morale (Paris, Alcan, 1922).
[4] Vincent Platini fait référence à l’ouvrage de Marc Etkind, … Or Not to Be: A Collection of Suicide Notes, New York, Riverhead Books, 1997.
[5] Michel Foucault, « La Vie des hommes infâmes », dans Maurice Florence (dir.), Archives de l’infamie, Paris, Les Prairies ordinaires, 2009, p. 7.
[6] Ibid., p. 9.
[7] Notamment de l’ouvrage de Claude Guillon et Yves Le Bonniec, Suicide, mode d’emploi. Histoire, technique, actualité, Paris, Alain Moreau, 1982, cité p. 149.
[8] Pour Daniel Fabre, les écritures ordinaires « s’opposent nettement à l’univers prestigieux des écrits que distinguent la volonté de faire œuvre, la signature authentifiante de l’auteur, la consécration de l’imprimé. Elles n’aspirent ni à l’exercice scrupuleux du bon usage ni à la sacralisation qui, peu ou prou, accompagne deux siècles la mise à distance littéraire. Et puis, surtout, la plupart de ces écritures-là, associées à des moments collectifs ou personnels intenses ou bien à la routine des occupations quotidiennes, semblent vouées à une unique fonction qui les absorbe et les uniformise : laisser trace » (Daniel Fabre [dir.], Écritures ordinaires, Paris, POL, 1993, p. 11).
[9] Michel Thévoz, Le Langage de la rupture, Paris, PUF, 1978, p. 11.
[10] Au sujet de cette distinction faite par Philippe Artières, voir par exemple Alice Aterianus-Owanga, Nora Greani et Philippe Artières, « Entretien avec Philippe Artières », Gradhiva, n° 24, 2016, p. 190-205.
[11] Voir à ce sujet Michel Foucault, « L’écriture de soi » [1983], Dits et Écrits, Paris, Gallimard, 2001, vol. 2, p. 415-431.
[12] Philippe Artières, Clinique de l’écriture. Une histoire du regard médical sur l’écriture [1998], Paris, La Découverte, 2013, p. 33.
[13] Par exemple : « À 19h15, la tour Eiffel vient de fermer. André Prats, chef du service de contrôle, se trouve au pied du bâtiment. Il entend comme un coup de canon. Se retournant, il voit un corps enfoncé dans le sol » (p. 198) ; « Dans un immeuble de la rue du Faubourg-Saint-Antoine, la concierge trouve curieux que la lumière soit encore allumée à midi chez le locataire du rez-de-chaussée. Elle en fait part à son mari, qui pénètre dans l’appartement. L’air est suffocant. Les pompiers sont appelés. Ils trouvent le cadavre allongé sur le lit » (p. 228).
[14] Par exemple dans l’extrait de la notice suivant : « Le préfet écrit qu’un dénommé Bouzy, tailleur d’habits dans la ville de Blois, s’est donné la mort chez lui avec un tranchet » (p. 309).
[15] Vincent Platini précise seulement par une note placée à côté de la date les cotes des documents et le fonds d’archives concerné.
[16] Nous reproduisons, par souci de clarté, la notice dans son ensemble :
« Denis C***
7 août 1947, Paris
Suzanne C***, institutrice demeurant à Alger, arrive le matin du 8 août vers 8h30 à la gare de Lyon. Son mari, Denis, architecte de 40 ans, n’est pas venu la chercher. Il n’y a pourtant pas de mésentente entre eux. Ils ont deux enfants qu’il aime. Ils vivent séparément depuis qu’il a été appelé à Paris pour son travail en octobre 1944. Il connaît des déceptions dans ses affaires et dans ses idées politiques. Il y a deux mois, Suzanne avait eu une explication avec lui au sujet d’une liaison. Il se disait écrasé par le remords. Elle se rend à l’hôtel où il logeait. Des feuilles, écrites au crayon rouge, sont accrochées sur les interrupteurs de l’entrée et sur le robinet de gaz. »
Une note, située au niveau de l’indication de lieu, renvoie simplement à la cote suivante : AP 2582 W2 (Archives de Paris).
[17] Michel Foucault, « La Vie des hommes infâmes », op.cit., p. 12.
[18] Ibid., p. 8.