« De l’autobiographie à l’autobiographique, un choix éthique »
Alberca Manuel, La Máscara o la vida. De la autoficción a la antificción, Málaga, Editorial Pálido Fuego, 2017.
Depuis le début du XXIe siècle, les arts s’attachent au concept d’identité, que ce soit en littérature avec l’omniprésence des récits de soi sur les étals des librairies, au cinéma par le nombre de biopics à l’affiche ou en musique en raison du succès de ce qu’on désigne aujourd’hui comme un rap engagé. À le balayer du regard, le premier XXIe siècle semble celui de l’individualisme. Si ce constat n’étonne pas pour la France, pays où l’autobiographie tire sa noblesse de près de trois siècles d’histoire, il pose davantage de difficultés dès lors que l’on s’intéresse aux pays où le genre s’est développé plus tardivement. Tel est le cas de l’Espagne où, après avoir longtemps suscité la méfiance, le récit de soi ne s’est imposé qu’à la fin du siècle dernier.
L’exemple de Jorge Semprún l’illustre bien. Républicain lors de la guerre civile, celui-ci fuit l’Espagne après la victoire de Franco et l’établissement d’un régime dictatorial ; résistant lors de la Seconde Guerre mondiale, il est arrêté et déporté au camp de Buchenwald ; membre du Parti communiste d’Espagne, il lutte contre les partisans du caudillo sous le pseudonyme de Federico Sánchez ; écrivain, enfin, il évoque son expérience sous le prisme de la littérature : Le Grand Voyage, publié en 1963, se présente comme un roman autobiographique dans lequel Semprún, par la voix du narrateur, revient sur ses années de guerre en Europe. Plus de dix ans après ce premier roman, alors que le passage à la démocratie s’amorce en Espagne et que la censure imposée par la dictature est levée, Semprún (comme d’autres écrivains victimes de la guerre civile) passe à l’autobiographie : en 1977, il publie dans son pays natal l’Autobiografía de Federico Sánchez, récit dans lequel il évoque sans filtre ses engagements. S’y donne pourtant moins à lire son expérience que celle de son alias : Federico Sánchez…
Hommage ? Refus de la transparence ? Influence du modèle autofictif ? L’hypothèse d’une concurrence entre ce dernier genre et le modèle autobiographique se défend d’autant plus que l’autofiction – importée de l’autre versant des Pyrénées dès la fin des années 1970 – attise la curiosité des écrivains espagnols. Nombreux sont ceux qui, au sortir de la dictature, hésitent à partager leur expérience, que ce soit par manque de confiance en un avenir jugé incertain ou par répugnance pour une pratique souvent jugée trop narcissique. Aussi plusieurs d’entre eux se retranchent-ils à partir des années 1980 derrière l’autofiction, à la fois plus sûre pour leur réputation mais aussi plus digne sur un plan littéraire. C’est ce phénomène qu’étudie le critique Manuel Alberca dans l’un de ses essais, La Máscara o la vida1, suite d’un premier essai sur sujet2. Explorant le genre autobiographique de la crise de 1898 jusqu’à nos jours, Manuel Alberca y défend l’idée selon laquelle le modèle autofictif n’est qu’une « maladie », qu’une « dérive » de celui-ci3.
Influencé par les écrits de Philippe Lejeune sur les récits de soi, Manuel Alberca explore les pistes exposées par celui-ci en les appliquant au contexte espagnol. Si cette démarche rappelle les travaux qu’Anna Caballé a consacré à l’autobiographie4, elle lui permet surtout d’approfondir une idée présentée à la fin de son premier essai sur le sujet : le développement de l’autofiction en Espagne dépendrait moins du développement du roman que de celui de l’autobiographie, genre qui semble plus propice à accueillir la nouveauté. Néanmoins, loin de se contenter d’une perspective esthétique, Manuel Alberca développe cette idée en privilégiant dans La Máscara o la vida une approche éthique : l’autofiction, en introduisant la fiction dans un récit qui devrait la proscrire, oblige à repenser le pacte autobiographique tel que le définit Philippe Lejeune et à réétudier le critère de référentialité proposé par celui-ci – critère qui devient sous la plume de Manuel Alberca un gage d’authenticité et de sincérité. Aussi le critique redéfinit-il le genre autobiographique sur la scène littéraire contemporaine, le présentant, par contraste avec une autofiction plus ou moins synonyme de mensonge, comme un lieu d’antifiction et, en tant que tel, de vérité5.
Le je et l’œil public
Né au cours du XXe siècle, Manuel Alberca fut le contemporain du passage, en Espagne, de la dictature vers la monarchie parlementaire. Plus qu’un passage, l’année 1975 fut même une rupture : après s’être soumis plus de trente-cinq ans à la censure, les Espagnols retrouvaient la liberté de dénoncer ou de défendre les dérives du régime qui leur avait été imposé. S’amorcent dès lors d’autres rapports entre eux, chaque Espagnol constituant auparavant, pour reprendre la métaphore du critique, un sujet, un « je », soumis à « l’œil public » (l’œil des autorités civiles, militaires et ecclésiastiques ou celui du voisin). Indice de cette confiance retrouvée, l’autobiographie s’est tardivement développée sur la scène littéraire espagnole : avant les années 1980, son histoire n’était faite que de réticences. Adoptant une démarche en partie chronologique, l’auteur de La Máscara o la vida s’efforce d’expliquer ce phénomène et distingue à cet égard trois moments-clés dans le développement du genre en Espagne, s’employant à expliquer les réserves auparavant suscitées.
La crise de 1898, première crise de la modernité, inaugure le passage vers une littérature où le sujet tend à se dévoiler. Apparaissent, aux côtés des Mémoires ce que Manuel Alberca identifie comme des « autofictions avant la lettre6 » : publiés quelques années après la crise de la fin du XIXe siècle et regroupés sous la formule « romans de 1902 », ces récits fictifs se font l’écho des inquiétudes suscitées par l’entrée dans la modernité, de la sensibilité d’individus en quête de sens, de leur manque de volonté, ou de leur mépris de la vie. Considérées comme des « autobiographies généralement fictives » par José-Carlos Mainer7, ces textes présentent des personnages qui sont autant de réponses à une crise du sujet en Espagne. L’œuvre de Miguel de Unamuno, et en particulier Cómo se hace una novela, l’illustre : rédigé entre 1925 et 1927, ce roman au statut narratif ambigu offre à lire, derrière le personnage d’U. Jugo de la Rega, les impressions et réactions d’Unamuno lors de son exil en France. Loin de se cacher derrière son personnage, l’auteur en fait un relais nécessaire pour s’objectiver : il apparaît comme une sorte de projection, une image de celui qu’il est ou plutôt voudrait être et, en tant que tel, légitime l’idée selon laquelle tout roman est une autobiographie.
Néanmoins, si elle permet de mettre en évidence un infléchissement dont l’œuvre de Miguel de Unamuno, par exemple, se fait l’écho tardif, la crise de 1898 ne peut être tenue pour le point d’émergence de l’autobiographie espagnole :
La nouveauté de ces « autobiographies » [note Manuel Alberca] ne fut ni l’emploi d’éléments et de faits biographiques afin d’orner ou de donner vie aux personnages, ni le récit de l’histoire d’une personnalité sur un mode romanesque, mais le fait d’avoir objectivé dans un personnage fictif, non seulement son passé, mais encore son plan d’avenir, c’est-à-dire non pas ce que l’auteur a vécu mais bien ce qu’il voudrait vivre8.
De ce point de vue, l’après-1939 – autre moment clé repéré par le critique – ouvre une période de recul : le régime quasi-inquisitorial établi par Franco pousse à la méfiance voire à la crainte envers l’autre, « œil public » s’il en est, et pousse les mémorialistes ou les autobiographes au silence. La littérature espagnole se divise : d’un côté une littérature pseudo-nationale qui soumet le sujet à la censure, de l’autre une littérature d’exil où fleurissent des récits de soi tels que Vida en claro (1944) de José Moreno Villa, La Máscara mestiza (1945) de Juan Rejano, Memoria de la melancolía (1977) de María Teresa León, La Arboleda perdida (1959-1987) de Rafael Alberti, El caballo griego (1986) de Manuel Altolaguirre, etc. Ce n’est qu’à partir de 1975, dernier moment repéré par Manuel Alberca, que les masques tombent et que la voie semble ouverte à l’émergence du moi dans la littérature espagnole.
Mais c’était sans compter, rappelle le critique, avec l’émergence d’un modèle concurrent. Née sous la plume de Serge Doubrovsky, l’autofiction se définit comme un genre dans lequel l’auteur, également narrateur et personnage, se met en récit à l’aide de techniques narratives importées de la fiction. Au croisement de l’autobiographie et du roman, celle-ci est une « fiction d’événements et de faits strictement réels9 » dont la finalité (aux yeux de Doubrovsky du moins) est la vérité. Mais quel crédit accorder à un récit dont l’auteur prétend à la fois être et n’être pas le personnage ? De fait, note Manuel Alberca, le modèle doubrovskien ne répond ni au pacte romanesque ni au pacte autobiographique étudiés par Philippe Lejeune mais à un « pacte ambigu », oxymorique, étudié par notre critique dans un essai éponyme. Importé de l’autre versant des Pyrénées dans les années 1980, le genre connaît un certain succès en Espagne : le mélange de techniques autobiographiques et romanesques, en particulier l’emploi de la troisième personne du singulier, permet à celui qui les maîtrise d’utiliser la fiction comme outil d’une quête identitaire plus que jamais désirable. Les raisons de ce succès ne sont pas uniquement liées aux innovations formelles dont le modèle se fait le parangon : elles se trouvent surtout dans le jeu qu’il introduit avec le vrai. Le modèle autofictif se présente en effet comme un compromis entre dévoilement et dévoiement, un intermédiaire propice au déploiement d’une parole incertaine : il offre une issue de secours non seulement face à une autorité politique dont on ne sait qu’attendre mais aussi face à une autorité littéraire dont on connaît le mépris pour l’autobiographie, synonyme d’égocentrisme et d’individualisme. Manuel Alberca en fournit un exemple : arguant de l’incapacité des Espagnols à l’introspection, le critique Guillermo de Torre invoquait un prétendu caractère national caractérisé par la pudeur, le refus du narcissisme ou le manque de confiance, de nature à expliquer le désintérêt des Espagnols pour l’autobiographie, contrairement au caractère français qui, lui, favoriserait le développement d’une littérature édifiante10. France et Espagne semblent dans une telle perspective entretenir une histoire commune : comme l’ont montré les études de Jacques Lecarme et d’Éliane Lecarme-Tabone sur le sujet, ce n’est pas parce qu’en France les origines de l’autobiographie remontent à l’œuvre de Jean-Jacques Rousseau que le genre ne subit pas, au XXe siècle encore, les foudres d’une idéologie anti-autobiographique11… Reste, rappelle Manuel Alberca dans l’un de ses articles, que si les critiques suscitées par l’autobiographie en France éclairent indirectement sa mise à l’écart sur d’autres scènes littéraires européennes, celles-ci ne suffisent pas à rendre compte de la singularité de son histoire en Espagne :
S’exposer en public, sans masques ni voiles lyriques demeure chez nous un acte doublement risqué. En effet, à la difficulté intrinsèque de l’exercice littéraire, il faut ajouter encore aujourd’hui une réprobation morale aux relents inquisitoriaux. On comprend mieux la situation de l’autobiographie en Espagne si on la compare à celle de nos voisins d’Algérie et du Maroc, où des influences religieuses et culturelles ont empêché l’émergence d’un moi libre d’attaches et de déguisements. La littérature des pays maghrébins n’a pas développé la littérature autobiographique, si ce n’est sous le voile de la fiction12.
Afin d’étayer ce point, arrêtons-nous sur l’un des exemples que convoque Manuel Alberca. Au sujet des récits autobiographiques de Juan Goytisolo, le critique souligne une évolution plus ou moins convenue du genre autobiographique en Espagne : si les premiers récits de l’écrivain se présentent comme des romans autobiographiques – Señas de identidad (1966), Reivindicación del conde don Julián (1970), Juan sin Tierra (1975) –, les suivants se présentent comme des autobiographies – Coto vedado (1985), En los reinos de Taïfa (1986) –, puis des autofictions – Paisajes después de la batalla (1982). Pourquoi de tels infléchissements ? Tardif, le passage du roman à l’autobiographie, explique Manuel Alberca, est lié chez cet auteur à la nécessité d’avouer et d’assumer une culpabilité refoulée :
Coupable et honteux de son passé, [Juan Goytisolo] repousse les masques surannés : sur le plan politique, comme « compagnon de route » du Parti communiste ; sur le plan littéraire, comme romancier qui s’auto-censure et se rattache au réalisme social ; sur le plan personnel, comme homosexuel qui cache, derrière une apparence hétérosexuelle, ses vrais désirs érotiques13.
Certes l’autobiographie devient, dans les années 1980, un moyen pour Juan Goytisolo de défendre son homosexualité ; elle n’en est pas moins, dans le même temps, un moyen de faire de l’homosexuel une sorte de surhomme : « le mythe de Goytisolo place l’homosexuel en position de supériorité, le présentant comme un transgresseur de tabous et de normes, et faisant de la condition même d’homosexuel un sommet privilégié pour la création littéraire14. » Dès lors, pour Juan Goytisolo comme pour quelques-uns de ses modèles (Jean Genet, par exemple), l’autobiographie joue moins le rôle d’un confessionnal qu’elle n’est une tentative pour se sublimer à rebours des normes sociales. S’y manifeste un « homme-texte », indice d’une quête d’identité contradictoire et dont la fiction devient le relais nécessaire. D’où, sans doute, le recours en dernière instance au modèle autofictif, qui permet paradoxalement d’être soi en s’inventant et qui, par conséquent, ne rend que plus évidente la présence de cet « homme-texte ». Notons ici que Juan Goytisolo, loin d’employer les termes roman autobiographique, autobiographie ou autofiction, privilégiait – pour désigner Coto vedado et En los reinos de Taïfa – celui de Mémoires15… Faut-il y lire le souci de mettre en scène l’individu engagé plutôt que l’homme dans la sphère privée et, ce faisant, d’ouvrir sur un sujet en société ? À vrai dire, le nom de genre privilégié par Juan Goytisolo étonne : dans ses récits, l’écrivain respecte les critères repérés par Philippe Lejeune comme caractéristiques de l’autobiographie : identité de l’auteur, du narrateur et du personnage, bien entendu, mais aussi caractère rétrospectif du récit ou accent mis sur l’histoire de la personnalité. Un indice est peut-être à chercher dans l’hybridité du récit de Juan Goytisolo : chez lui, l’homme en société et l’homme dans l’intimité ne cessent de s’entremêler et de se construire sur un mode réciproque. Le privé ne semble pouvoir être pensé en dehors du collectif, et inversement. N’oublions pas, à cet égard, que l’écrivain écrivit ses récits autobiographiques lors de son auto-exil en France, épisode qui lui valut de vives critiques de la part de ses compatriotes. Un second indice, moins original, est à chercher dans le mépris du mémorialiste pour l’autobiographie :
Ne cesse d’étonner le fait que ces autobiographies innovantes furent considérées par leur propre auteur comme des textes anachroniques à l’échelle de son œuvre, textes auxquels il ne confère guère d’importance du point de vue littéraire, ce qui met une fois de plus en évidence le fait que les préjugés anti-autobiographiques ne sont pas le patrimoine exclusif des détracteurs du genre, mais également des autobiographes qui réduisent parfois la littérature à la « littérarité » et expulsent de ce club si sélect les textes contaminés par des « impuretés » référentielles externes16.
Il est intéressant de souligner que, si Manuel Alberca présente le modèle autofictif comme un compromis, il limite le sens de ce nom de genre : certes, dans la langue française, le mot compromis partage la racine de compromiso en espagnol ; mais, en réalité, ce terme – que ne cesse d’employer le critique – se traduit surtout par engagement en français. Or Manuel Alberca refuse, comme beaucoup de théoriciens avant lui, de tenir le modèle doubrovskien pour un modèle engagé. « Détour », « dérive » voire « maladie » de l’autobiographie, l’autofiction n’est, selon lui, qu’une variante du modèle fixé par Lejeune – une variante pour lâches tend-il à penser, là où au contraire l’autobiographie supposerait une forme de courage. Aussi le critique rappelle-t-il que « [s’il] est évident que nous sommes des hommes-récits, que nous reconstruisons et modifions continuellement notre vie à chaque fois que nous la racontons […], cela n’implique pas que nous devions être des hommes-mensonges17. » N’est-ce pas là l’une des limites de la perspective éthique qu’adopte Manuel Alberca ? Le modèle autofictif conduit certes celui qui le privilégie à s’inventer, mais l’autobiographie n’est peut-être elle-même pas étrangère à une forme de stylisation de soi… Nous reviendrons sur ce point.
Du pacte autobiographique au pacte « parrhêsiastique »
Tenté de conclure qu’un grand nombre d’écrivains espagnols n’ont pas essayé de surmonter le défi posé par l’autobiographie en Espagne, Manuel Alberca revient sur le problème de la mémoire. Comment, dans un pays qui fut le théâtre de tant de conflits, s’y confronter et assumer le pacte autobiographique ? Comment surmonter l’oubli, éviter les travestissements, s’écrire en restant au plus près de la vérité ? Plus difficile, comment, pour un autobiographe du XXe ou du XXIe siècle, partager son expérience sans prendre le risque de heurter les sensibilités ? Tel est le courage de l’autobiographe, qualité soulignée par Manuel Alberca et sur laquelle celui-ci ne cesse d’insister :
Taire ou raconter ? Telle est la question. Si l’on suit cette distinction, il y aurait deux sortes d’autobiographes : ceux qui évitent les périls, inhérents à tout défi, parfois de manière pusillanime et honteuse ; et ceux qui au contraire les cherchent ou qui sans s’en rendre compte se dirigent directement vers eux. Les premiers […] créent des artifices avec lesquels ils préfèrent jouer plutôt que prendre le taureau de la vérité par les cornes, comme le recommande Michel Leiris. Les autobiographes audacieux, les « toréros » pour reprendre l’image de Leiris, […] sont rares parmi nous, et pour cette raison même méritent d’être cités18.
Si Manuel Alberca regroupe sous un seul terme différentes sortes d’autobiographes, il est évident que le premier type qu’il pointe est celui qu’incarne l’auteur d’une autofiction. Dans le dernier chapitre de son essai, alors qu’il explique le succès de ce modèle en Espagne, le critique n’hésite pas à revenir sur le souci qui anime celui-ci : défendre à la fois son identité et son altérité face au personnage. Aussi les partisans de l’autofiction, en refusant de dire vrai et plus encore de dire leur vérité, semblent-ils substituer l’esthétique à l’éthique.
« Dire vrai » est l’impératif que Manuel Alberca oppose aux tenants du modèle autofictif, impératif qu’il conceptualise à l’aide du concept de parrhêsia avancé par Michel Foucault19, et défini comme un franc-parler :
Parrhêsia, étymologiquement, c’est le fait de tout dire (franchise, ouverture de parole, ouverture d’esprit, ouverture de langage, liberté de parole). Les Latins traduisent en général parrhêsia par libertas. C’est l’ouverture qui fait qu’on dit, qu’on dit ce qu’on a à dire, qu’on dit ce qu’on a envie de dire, qu’on dit ce qu’on pense pouvoir dire, parce que c’est nécessaire, parce que c’est utile, parce que c’est vrai20.
Approfondissant son propos sur la parrhêsia, Michel Foucault a privilégié une perspective éthique : par contraste avec l’idée selon laquelle la vérité ne peut être atteinte que par des connaissances extérieures et intériorisées, la parrhêsia est un moyen pour l’individu de devenir sujet de vérité. Technique de soi, elle permet à celui qui s’exprime sans filtre, avec liberté, de se manifester dans « sa » vérité. Plus qu’elle n’identifie un sujet comme tel, elle pointe le moment où celui-ci se construit ou, plutôt, se « subjectivise ». Appliquée à la littérature, elle s’inscrit dans une éthopoiétique que le philosophe définit dans ses derniers écrits21. C’est à l’aune de ce concept que Manuel Alberca prolonge son analyse de l’autobiographie :
Avant d’être une technique, la parrhêsia est un engagement et une croyance dans les bienfaits du franc-parler ou du dire vrai, sans feinte ni réserve. J’esquisse seulement ici une ligne d’investigation qu’il faudrait explorer en d’autres occasions mais que nous pouvons, de manière provisoire et approximative, d’ores et déjà nommer « parrhêsia autobiographique », laquelle permet de mettre en évidence la valeur de cette discipline pour l’écriture autobiographique22.
L’idée de « parrhêsia autobiographique » telle que la formule Manuel Alberca a pour intérêt de dessiner les contours d’une attitude singulière, « parrhêsiastique » dirons-nous, et qui n’est pas sans lien avec le courage de l’autobiographe précédemment évoqué. À la différence de l’auteur d’autofiction, l’auteur d’autobiographie se présente en effet comme celui qui assume sa franchise et qui, refusant les masques, se livre dans sa vérité. Il est, en quelque sorte, le Michel Leiris de L’Âge d’homme ; celui qui reconnaît, dans la préface de son ouvrage,
[qu’]être vrai, pour avoir chance d’atteindre cette résonance si difficile à définir et que le mot « authentique » (applicable à des choses si diverses et, notamment, à des créations purement poétiques) est fort loin d’avoir expliquée : voilà ce à quoi je tendais, ma conception quant à l’art d’écrire venant ici converger avec l’idée morale que j’avais quant à mon engament dans l’écriture23.
En cela, le modèle autobiographique est, pour celui qui s’y livre le lieu d’un aveu qu’interdit plus ou moins le modèle autofictif, privilégié en Espagne, où, depuis la fin du XIXe siècle, la méfiance à l’encontre des prêtres ou des autorités, a favorisé le roman autobiographique. L’autobiographie, en revanche, est soumise non seulement au pacte autobiographique tel défini par Philippe Lejeune mais surtout au pacte parrhêsiastique, et impose à l’écrivain de respecter un impératif de vérité tout en supposant, de la part de ses destinataires, une posture d’écoute. Cette éthique du lecteur, Manuel Alberca la résume en quelques mots :
Avec leurs vérités et leurs mensonges, leurs bonnes intentions et leurs tricheries, leurs certitudes et leurs erreurs, les récits autobiographiques authentiques sont des observatoires privilégiés pour comprendre, depuis un fondement réel, les logiques complexes et contradictoires de l’être humain. Si l’exercice est conduit avec sincérité, il nous permet aussi de connaître directement la personne qui écrit et le clair-obscur de celle-ci révèle au lecteur ses propres ombres et lumières. C’est pourquoi il faut remercier l’autobiographe de l’effort qu’il fait et du risque qu’il prend pour être véridique24.
L’intérêt de Manuel Alberca pour la réception des récits de soi se confirme traduit par une démarche que l’on peut décrire comme critico-historico-descriptive : théoricien, il est d’abord un lecteur qui n’hésite pas à se présenter comme tel et à partager ses remarques.
La Máscara o la vida forme une galerie où défile, dans l’ordre chronologique, un ensemble de portraits. Ces portraits, qu’ils renvoient à des romans autobiographiques, des autobiographies ou des autofictions, ont pour point commun un lien, plus ou moins lâche, entre sujet et vérité. C’est à partir de ce point commun, aussi ténu soit-il, que Manuel Alberca élabore une nouvelle catégorie : l’autobiographique. Rappelons avant d’aller plus loin l’un des critères de l’autobiographie mis en avant par Philippe Lejeune25. Après avoir proposé une définition, celui-ci insiste sur le fait que l’autobiographie suppose pour l’auteur d’assumer également le statut de narrateur et de personnage. De ce fait, le genre obéit à un critère d’identité qui, s’il n’est pas respecté, abolit le pacte établi avec le lecteur. S’il reconnaît l’importance de ce critère, Manuel Alberca n’en est pas moins tenté de lui en substituer un autre : certes il incombe à l’autobiographe de respecter le critère d’identité, mais il importe plus qu’il se plie au critère de vérité. Aussi le critique, élargissant les travaux de son homologue français, désigne-t-il comme autobiographique des récits qui, sans être des autobiographies au sens strict, respectent le pacte parrhêsiastique. Alors que, pour Philippe Lejeune, l’autobiographe est celui « qui dit qu’il dit la vérité sur sa vie26 », il est, pour Manuel Alberca, celui qui dit simplement la vérité sur sa vie.
Mais le critique espagnol n’esquisse-t-il pas, ici, un archi-genre aux contours discutables ? Comment, en effet, fonder l’autobiographique sur le pacte parrhêsiastique, donc sur les critères d’identité et de vérité, et prendre en même temps le risque d’y faire entrer, par le roman autobiographique ou l’autofiction, des textes qui, nous l’avons vu, sont à ses yeux synonymes de mensonge ? Il est intéressant de souligner qu’Alberca, conscient de cette difficulté, s’évertue à limiter la catégorie :
Comme on le voit avec cette brève synthèse, chacun de ces récits affronte des défis, des contenus et des formes différentes mais, parce qu’ils refusent l’invention et y renoncent afin d’offrir un récit de vie qui soit authentique, ils partagent un caractère antifictif. À la différence des autofictions, ils ne cherchent pas à mêler vécu et inventé ou à ressembler à des récits réels : ils le sont. Peut-être est-ce parce que leur thème est suffisamment sérieux – voire tragique –, parce qu’ils sont nés du besoin de faire le point sur son existence et parce qu’ils s’y confrontent, qu’ils tolèrent difficilement un traitement ambigu27.
Soumis au dire vrai, l’autobiographique se distingue d’un modèle autofictif considéré comme ambigu et même mensonger. Par le critère de vérité, Manuel Alberca déclasse ce dernier : puisque ses partisans n’acceptent pas ou pas de manière explicite l’impératif catégorique du genre autobiographique, il convient de les écarter. L’autobiographique, par contraste avec l’autofiction, se présente dès lors comme un genre où celui qui écrit prend le risque de se dire sans passer par le truchement de la fiction, et les textes qui en relèvent, doivent être tenus pour des antifictions plus encore que pour des autobiographies.
Autofiction, antifiction et subjectivation
Nous l’avons dit, les travaux de Philippe Lejeune ont influencé ceux de Manuel Alberca, ainsi que le confirme la notion d’antifiction, qui apparaissait pour la première fois sous la plume du critique français dans un article tardif sur le journal personnel28. Contre le modèle autofictif, Philippe Lejeune envisageait l’antifiction comme un nouveau repère théorique, se substituant à celui du pacte autobiographique :
« Antifiction », ce petit mot – pas très joli, je l’admets – me semble dire quelque chose d’autre que le classique « non-fiction » des Anglo-Saxons. Il est plus combatif, moins mou. Il est aussi plus précis, il ne s’applique pas à l’ensemble des textes qui ne pratiquent pas la fiction (définition négative), mais à une catégorie particulière de textes, ceux qui la rejettent violemment (définition positive). Au contact de la fiction, le journal s’étiole, s’évanouit, ou fait une crise d’urticaire29.
S’il définit le journal comme forme privilégiés de l’antifiction, Philippe Lejeune manifeste quelques réserves à l’idée d’étendre la notion à l’autobiographie : « Les autobiographies, les biographies, les livres d’histoire sont contaminés, ils ont la fiction dans le sang. Je me rends bien compte que j’exagère, que je simplifie. Il y a des transitions, des nuances, c’est parfois moins simple. Mais “antifiction” est comme une loupe : ce qu’il grossit est réel30. » En dépit de sa revendication au factuel, l’autobiographie ne serait pas une (véritable) antifiction : non pas, contrairement au journal, la suite de traces authentiques d’une existence mais une reconstruction de celle-ci.
À lire l’article de Philippe Lejeune, le changement qu’opère Manuel Alberca est saisissant : loin de limiter la notion d’antifiction au journal, ce dernier propose d’étendre le concept à l’autobiographie et plus encore à l’autobiographique. Pourquoi ? Parce que, soumis au pacte parrhésiastique, ces récits se construisent aussi dans le refus d’une fiction synonyme, sinon de mensonge, du moins d’invention :
L’autobiographie est aussi régie par « l’antifiction », mais ce qui pour le journal est une règle intrinsèque est dans son cas acceptation d’un engagement et d’une responsabilité. Parce que rétrospectif et temporellement éloigné des faits transcrits, le récit autobiographique doit affronter et remplir un temps plein de lacunes et d’inconnues31.
La démarche de Manuel Alberca paraît paradoxale dans la mesure où elle suppose que l’autobiographique soit défini comme une catégorie contraire au fictionnaire, ce qui n’a rien d’évident… Quoiqu’il en soit, en assurant que le « dire vrai » est une condition sine qua non et de l’antifiction et de l’autobiographie, le critique espagnol outrepasse les limites posées par son homologue français et prolonge son modèle théorique. Notons que l’impératif catégorique formulé par Alberca n’interdit pas d’approcher l’autobiographique selon une perspective ontologique : le « dire vrai » est une manière d’envisager le « devenir sujet ». Il importe ici de revenir aux travaux de Michel Foucault pour qui le « dire vrai » est un moyen pour le sujet d’advenir en conformité avec son discours. Équivalent poétique du « dire vrai », l’« écrire vrai » semble dès lors un moyen, pour l’écrivain, de se subjectiviser et de donner à lire cette subjectivité. Il se trouve toutefois que la réception des textes dont il est questions est peu commentée par Manuel Alberca…
Si « écrire vrai » est ce qui définit la pratique des autobiographes, le lecteur doit-il de son côté se soumettre à un « lire vrai » ? Et si oui, qu’est-ce que « lire vrai » ? Se fier, au risque d’être trompé, à tout ce que dit un auteur ? Interpréter correctement son œuvre, en découvrir le sens caché ? Confronter le message de l’œuvre à sa propre expérience de lecteur ? La formule « lire vrai » est imparfaite mais a le mérite de souligner que la réception peut être également un moyen de se subjectiviser. Parions, ainsi que le fait Manuel Alberca pour le lecteur d’autobiographies, que la lecture est plus qu’une pratique passive et étrangère au devenir-sujet, et envisageons-la comme une source privilégiée pour la connaissance de soi et d’autrui. Lorsque nous lisons, ne respectons-nous pas en effet la parole d’autrui et ne nous construisons-nous pas par rapport à elle, que nous nous en imprégnions pleinement ou que nous l’abordions avec esprit critique ? De fait, il semble que la lecture de récits autobiographiques puisse également être appréhendée comme une technique de soi. « Lire vrai », dans une perspective foucaldienne, consisterait à se situer par rapport à un récit qui tend à déconstruire mais aussi reconstruire un sujet partiellement assujetti : lire serait ainsi une manière de se lire et de se construire.
Seulement, et c’est peut-être l’une des limites de la notion d’antifiction, il n’est pas sûr que le « lire vrai » soit pour le lecteur la seule manière de devenir sujet. En témoignent les travaux de Marielle Macé32 : le lecteur stylise son existence non seulement aussi bien à l’aide de textes factuels que de textes fictionnels. Dès lors, même si le modèle autofictif joue un rôle de filtre, même s’il témoigne d’un rapport compliqué à la vérité, il n’en implique pas moins, pour l’auteur comme pour ses lecteurs, une forme de stylisation de soi. Pensons à Juan Goytisolo et au privilège que celui-ci accorde à l’homosexuel en matière de création littéraire : si, parce que construite par le récit, la figure de l’homosexuel telle qu’il la présente s’éloigne de la réalité (de Juan Goytisolo en tant qu’homosexuel), il n’en reste pas moins que cette figure éclaire le regard – aussi biaisé soit-il – que l’auteur pose sur lui-même (l’image du surhomme, du créateur à rebours des normes) et, en ce sens, témoigne d’une manière de se subjectiviser susceptible d’interroger le lecteur. Livre alors au lecteur de puiser dans le texte qu’il parcourt – (auto)fictif ou non – les éléments d’une ontologie et d’une éthique qu’il ne cesse de (re)construire…
Revenons sur l’un des exemples convoqués par Manuel Alberca : celui de Pío Baroja. En 1920, rappelle le critique espagnol, Pío Baroja publie l’un de ses romans les plus autobiographiques, La Sensualidad pervertida, sous-titré Ensayos amorosos de un hombre ingenuo en una epoca de decadencia. S’y déploient les aventures sentimentales de Luís Murguía, narrateur-personnage qui ne semble pas tout à fait étranger à l’auteur33. Le texte est néanmoins présenté comme un roman et ce n’est qu’une trentaine d’années après qu’il ait été rédigé que Pío Baroja publie ses Mémoires (Desde la última vuelta del camino, 1944). À en croire Manuel Alberca, ceux-ci se révèlent décevants : s’y donne à lire un homme pudique et qui se replie sur une image plus ou moins truquée de lui-même. Étonnement, puisque le narrateur de La Sensualidad pervertida, le désenchanté Luís Murguía, entretient davantage de liens avec Pío Baroja :
Baroja, à travers son alter ego, assume sa contradiction et son incapacité à harmoniser passion et raison. Des aspects caractéristiques de sa psychologie sentimentale se trouvent en Murguía : sa prudence légendaire avec les femmes, sa crainte ou ses précautions envers toute forme d’engagement, ses réticences face au mariage, même sa préférence pour des femmes étrangères (et mariées) plutôt que pour les espagnoles, en raison de la difficulté de maintenir des relations satisfaisantes avec celles-ci34.
Sans détailler davantage l’analyse de Manuel Alberca, nous comprenons d’ores et déjà que les Mémoires de Pío Baroja, récit de soi qui dans la terminologie du critique relève de l’antifiction, respectent moins le pacte parrhésiastique que ne paraît le faire un roman autobiographique comme La Sensualidad pervertida, qui, par définition, ne peut être tenu pour une antifiction… S’il pointe ce paradoxe, Manuel Alberca n’interroge pas ses conséquences quant à la réception des écrits de Pío Baroja. Est-ce parce qu’il n’y a rien à en tirer ? À vrai dire, en reconnaissant que Pío Baroja révèle sa vérité dans ses romans plus que dans ses Mémoires, Alberca semble lui-même considérer que ce n’est pas parce qu’un écrivain se stylise à l’aide de la fiction qu’il ne se construit pas dans le même temps en tant que sujet. Aussi conclurons-nous que la perspective éthique adoptée, féconde en ce qu’elle permet de repenser l’autobiographie, tient peu compte des mécanismes d’identification et de distanciation à l’œuvre lors de la lecture d’un récit, que celui-ci soit fictif, autofictif ou antifictif. S’il s’intéresse aux liens que tissent les récits autobiographiques entre éthique et esthétique, Manuel Alberca s’interroge trop peu sur ce que ces liens impliquent pour le lecteur. Approfondira-t-il ces pistes dans un prochain essai ? Quasi-programmatiques, les dernières pages de La Máscara o la vida nous invitent à l’espérer.
- 1. Manuel Alberca, La Máscara o la vida. De la autoficción a la antificción, Málaga, Editorial Pálido Fuego, 2017.
- 2. Id., El Pacto ambiguo. De la novela autobiográfica a la autoficción, Madrid, Editorial Biblioteca Nueva, coll. « Estudios críticos de literatura », 2007.
- 3. La Máscara o la vida, op. cit., p. 15.
- 4. Anna Caballé, Narcisos de tinta. Ensayos sobre la literatura autobiográfica en lengua castellana, siglos XIX y XX, Málaga, Megazul, coll. « La Autobiografía », 1995.
- 5. Manuel Alberca emprunte la notion d’antifiction à Philippe Lejeune, lequel l’a forgée depuis ses travaux sur le journal personnel. Voir Philippe Lejeune, « Le journal comme “antifiction” », Poétique, no 149, 2007, p. 3-14.
- 6. Manuel Alberca précise qu’en 1898 le modèle des Mémoires prédomine : dans les autobiographies publiées en Espagne à la fin du XIXe siècle, la subjectivité de l’auteur n’affleure pas. Ce n’est qu’à partir de 1902, avec le développement d’une forme romanesque particulière, que se développe un « autobiographisme ambigu ». Voir La Máscara o la vida, op. cit., p. 56.
- 7. Voir José-Carlos Mainer, La Edad de Plata (1902-1931). Ensayo de interpretación de un proceso cultural, Madrid, Cátedra, 1981.
- 8. « Lo novedoso de estas “autobiografío” no fue ni la utilización de elementos y hechos biográficos para adornar o dar vida a los personajes, ni siquiera que el trazado en clave de novela de la formación de su personalidad, sino el hecho de haber objetivado en un personaje ficticio, no solo su pasado, sino su proyección de futuro, es decir, no lo que el autor había vivido sino lo que querría llegar a vivir. » (Manuel Alberca, La Máscara o la vida, op. cit., p. 58-59)
- 9. Serge Doubrovsky, Fils (1977), Paris, Gallimard, coll. « Folio », 2001, p. 10.
- 10. Voir la critique de Manuel Alberca dans La Máscara o la vida, op. cit., p. 29.
- 11. Jacques Lecarme et Éliane Lecarme-Tabone, L’Autobiographie, Paris, Armand Colin, coll. « U », 1997, p. 9.
- 12. Manuel Alberca, « Le Pacte ambigu ou l’autofiction espagnole » dans Claude Burgelin, Isabelle Grell et Roger-Yves Roche (dir.), Autofiction(s), Lyon, Presses universitaires de Lyon, 2010, p. 147-164. Disponible sur http://books.openedition.org/pul/3642, consulté le 7 janvier 2022.
- 13. « Culpable y avergonzado de su pasado, rechaza las viejas máscaras : en lo politico, como “compañero de viaje” del Partido Comunista, en lo literario, como novelista auto-censurado y adocenado del realismo social, y en lo humano, como un homosexual que ha escondido, tras una apariencia heterosexual, su verdadera querencia erótica. » (La Máscara o la vida, op. cit., p. 235).
- 14. « [E]l mito goytisoliano coloca al homosexual en una posición de superioridad, presentándose a sí mismo como un trasgresor de tabúes y normas, y haciendo de su condición homosexual una atalaya privilegiada para la creación literaria. » (Ibid., p. 236).
- 15. À propos de « l’autofiction » Paisajes después de la batalla, Juan Goytisolo parle de « pseudo-autobiographie grotesque ». Voir Rosa Maria Pereda, « Juan Goytisolo : “Paisajes después de la batalla est mon premier roman humoristique” », El País, https://elpais.com/diario/1982/11/16/cultura/406249210_850215.html, mis en ligne le 16 novembre 1982, consulté le 7 février 2022.
- 16. « No deja de ser curioso que esta innovadora autobiografía haya sido considerada por el propio autor como un texto anacrónico en el conjunto de su obra, al que no le concede apenas importancia desde el punto de vista literario, poniendo en evidencia una vez más que los prejuicios anti-autobiógraficos no son patrimonio exclusivo de los detractores del género, sino también de los propios autobiógrafos, que en ocasiones confinan a la literatura en el reducido campo de la “literariedad” y expulsan fuera de tan selecto club aquellos textos contaminados de “impurezas” referenciales externas. » (La Máscara o la vida, op. cit., p. 229).
- 17. « Por tanto, está claro que somos hombres-relatos, que reconstruimos y modificamos incesantemente nuestra vida cada vez que la contamos […] pero esto no significa que tengamos que ser hombres-mentira. » (Ibid.)
- 18. « ¿Callar o contar? Esa es la cuestión. De acuerdo con este dilema habría dos clases de autobiógrafos : los que regatearían los peligros, inherentes a los retos, a veces de manera pusilánime y vergonzante. Y los que buscándolos o sin darse cuenta van derechos a ellos. Los primeros […] levantan artefactos narrativos en los que se prefiere el juego al riesgo de coger el toro de la verdad de sus vidas por los cuernos, como recomendara Michel Leiris. Los autobiógrafos arriesgados, los “toreros” para continuar el símil de Leiris, […] escasean entre nosotros, y por eso merecen ser destacados. » (Ibid., p. 37-38).
- 19. Michel Foucault, Le Courage de la vérité. Cours au Collège de France (1983-1984), Paris, EHESS / Gallimard / Seuil, coll. « Hautes études », 2009.
- 20. Id., L’Herméneutique du sujet. Cours au Collège de France (1981-1982), Paris, EHESS / Gallimard / Seuil, coll. « Hautes études », 2001, p. 348.
- 21. Voir notamment Michel Foucault, « L’écriture de soi », Corps écrits, no 5, « L’Autoportrait », février 1983.
- 22. « Antes que una técnica, la parrhesía significa compromiso y creencia en los beneficios de decir la verdad o del hablar veraz sin disimulo ni reserva. Queda aquí solamente esbozada una línea de investigación que habrá que explorar en otra ocasión que podemos denominar de forma aproximada y provisional como “parrhesía autobiográfica”, es decir la comprobación del valor de esta disciplina para la escritura autobiográfica. » (La Máscara o la vida, op. cit., p. 319).
- 23. Michel Leiris, L’Âge d’homme, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1973 [1946], p. 16.
- 24. « Con sus verdades y mentiras, con sus buenas intenciones y sus trampas, con sus aciertos y errores, los relatos autobiográficos auténticos son observatorios privilegiados para entender, con fundamento real, las complejas y contradictorias razones del ser humano. Nos permiten conocer también, si el ejercicio es sincero, de primera mano a la persona que lo escribe, y en su claroscuro le revela al lector sus propias luces y sombras. Por eso hay que agradecerle al autobiógrafo el esfuerzo y el riesgo que corre por ser veraz. » (La Máscara o la vida, op. cit., p. 333).
- 25. Philippe Lejeune, Le Pacte autobiographique, Paris, Éditions du Seuil, coll. « Sciences humaines », 1996.
- 26. Id., « L’autobiographie existe-t-elle ? », Cahiers de l’Institut d’études germaniques, Université Paul Valéry-Montpellier III, 1988, p. 84.
- 27. « Como se puede comprender por esta breve síntesis, cada uno de estos relatos afronta diferentes desafíos, contenidos y facturas formales, pero comparten su carácter de antificciones, es decir, han hecho una bandera de la no invención, han renunciado a ella para hacer un relato veraz de la vida. A diferencia de las autoficciones, no buscan mezclar lo vivido con lo inventado ni parecen relatos reales, lo son. Tal vez porque su temática es lo suficientemente seria, incluso trágica, porque resultan de una necesidad de hacer balance personal y porque afrontan asuntos, que difícilmente admitirían un tratamiento ambiguo. » (La Máscara o la vida, op. cit., p. 337).
- 28. Philippe Lejeune, « Le journal comme “antifiction” », Poétique, no 149, 2007, p. 3-14.
- 29. Ibid., p. 6.
- 30. Ibid.
- 31. « También la autobiografía está regida por la “antificción”, pero lo que en el diario es una regla de obligado cumplimiento, aquí se trata de la aceptación de un compromiso responsable. Por su carácter retrospectivo y por la distancia temporal que le separa de los hechos narrados, el relato autobiográfico tiene que enfrentarse a un tiempo lleno de incógnitas y lagunas por rellenar. » (La Máscara o la vida, op. cit., p. 321).
- 32. Marielle Macé, Façons de lire, manières d’être, Paris, Gallimard, coll. « NRF Essais », 2011.
- 33. « Baroja, comme tant d’autres écrivains, considère que “l’autobiographique” est un matériau romanesque utile et rentable, sur le plan économique et sur le plan littéraire, alors que le genre autobiographique, avec son une allure exigeante et antipathique, suppose un engagement extralittéraire. » [« Baroja, como tantos otros escritores, considera que “lo autobiográfico” es un material novelesco útil y rentable, económica y literariamente, mientras que el género autobiográfico tiene un halo antipático y exigente, de compromiso extraliterario. »] (La Máscara o la vida, op. cit., p. 96).
- 34. « […] Baroja a través de su alter ego asume su contradicción y su incapacidad para armonizar pasión y razón. En Murguía se encuentran algunos rasgos bien característicos de la psicología sentimental de Baroja: su proverbial cautela con las mujeres, su temor o precaución a cualquier compromiso, su reticencia con respecto a contraer matrimonio, incluso su preferencia por las mujeres extranjeras (y casadas) antes que las españolas por la dificultad de mantener relaciones satisfactorias con estas. » (Ibid., p. 101).