Le récit de rêve des surréalistes à nos jours
Résumé
Le XXe siècle constitue un tournant épistémologique majeur dans l’histoire de la pensée du rêve. De la Traumdeutung de Freud, qui ouvre le siècle, à la remise en cause des théories psychanalytiques, notamment par les neurosciences, nombreux sont les discours qui se développent sur cet objet énigmatique. Héritier d’une tradition savante et dialoguant volontiers avec les autres disciplines, le récit de rêve littéraire observe, au tout début du XXe siècle, une mutation profonde qui lui permet de s’affranchir d’un cadre fictionnel plus large et de gagner son autonomie. Pendant nocturne du journal intime ou miscellanées de textes d’une « inquiétante étrangeté », ces écrits, explicitement présentés comme issus de rêves authentiques, se distinguent par leur position volontairement ambiguë, à la frontière de catégories formelles poreuses, entre pure fiction et témoignage d’expérience, écriture intime et fantaisie débridée. De Paulhan et des surréalistes (Breton, Desnos, Leiris) à des auteurs contemporains (Marcel Béalu, Frédérick Tristan) en passant par Yourcenar, Michaux ou encore Queneau et Perec, se dessine ainsi l’histoire d’un genre, celui du récit de rêve. Pour examiner les conditions qui permettent l’élaboration de ces productions oniriques et en assurent la littérarité, l’étude de cette écriture du rêve adopte une double perspective. D’une part, elle envisage le rapport de la littérature avec les discours de savoir. Elle examine ainsi la difficile conciliation entre expérience du rêve, théorie du rêve et narration du rêve et cherche à comprendre quelles réponses la littérature a pu opposer ou proposer aux divers discours portés sur ce sujet. D’autre part, elle interroge le statut littéraire de ces textes et propose une analyse esthétique plurielle de ces écrits à la marge de l’élaboration consciente et à la rencontre des formes et des genres.
Abstract
This dissertation aims to present a history of the literary genre of the dream narrative, as it unfolded within French writing throughout the 20th century.The first part of the dissertation is dedicated to epistemology. It shows that in France theories of dreaming influenced literary theory, and vice versa, from the 1920s onwards. We first shed light on that dialectics by analysing the attitude of writers as self-proclaimed dream specialists, as compared with scientists. In doing so, we show the epistemic limitations of these accounts of dreams, as they struggle to qualify as scientific documents. We also delineate the ways in which writers try to assert their legitimacy in the face of scientific and psychoanalytic discourses. Finally, we suggest that literature does contribute to our understanding of dreams by proposing its own singular, specific approach to them. And in return, we show how writers focusing on dreams are led to conceive of their own art in a new way. The second part of the dissertation tackles the aesthetics of dream narratives. It highlights the wide variety of these texts, from surrealistic recollections of dreams by André Breton, Paul Éluard or Robert Desnos, to contemporary fictional short stories by Marcel Béalu or Frédérick Tristan. Conflicted definitions of dream narratives emphasise the non literariness of the genre while others point to its poetic and literary quality. It then focuses on Michel Leiris’s work and the formalistic approach developed by Georges Perec and Raymond Queneau in the 1960s and 1970s, and eventually identifies Jean Paulhan’s new manner of narrating dreams, which inspired Henri Michaux, Marcel Béalu and Frédérick Tristan. These later texts are not only inspired by true dreams but let us read as if they were. Overall, the thesis emphasises the social and artistic function of the dream, which we apprehend as a means of understanding the enigmatic state of consciousness that is sleep.
Jury
Alain Schaffner, Université Paris 3 - La Sorbonne Nouvelle
Marie-Paule Berranger, Université Paris 3 - La Sorbonne Nouvelle
Myriam Boucharenc, Université Paris Nanterre - Paris 10
Christelle Reggiani, Sorbonne Université
Nathalie Piégay, Université Paris Diderot - Paris 7
Jacques Poirier, Université de Bourgogne Franche-Comté