Le sentiment intérieur et sa communication chez Jean-Jacques Rousseau.
Résumé
« Moi seul. Je sens mon cœur et je connais les hommes » : ainsi écrit Jean-Jacques Rousseau dans l’incipit des Confessions. L’homme ne peut que « connaître » les autres tandis qu’on « sent » son propre cœur, à savoir, ses sentiments ; mais si ce constat est vrai, comment peut-on transmettre - faire sentir - ce qu’on ressent à autrui ? Dans toute sa vie, et surtout dans ses dernières années, Rousseau s’est appliqué à prouver sa vérité, c’est-à-dire, la véracité de ce qu’il ressent dans son for intérieur. Cette thèse a pour but de démontrer l’importance du sentiment intérieur dans ses tentatives de dire la vérité. En identifiant ce terme qui est doté de la longue tradition philosophique avec « la voix intérieure » et « la conscience », Rousseau en fait ressortir simultanément l’universalité et l’intériorité dans ses quelques œuvres afin de persuader ses lecteurs. De plus, par-delà le terme « sentiment intérieur » proprement dit, il fait appel à la nature de sentiment qui est doublement indéniable par son universalité et son intériorité. Enfin, il tente d’inventer une nouvelle forme de communication du sentiment avec les lecteurs par la représentation de soi. L’analyse de ses œuvres autobiographiques permet de tracer cet itinéraire difficile de la création de la sphère de la communication de sentiment avec les lecteurs, et, in fine, son échec.
Abstract
Jean-Jacques had this to say: "Only me. I feel my heart, and know mankind". One can only "know" others while he "feels" one’s own heart, that is, one’s feelings; but if this statement is true, how can one communicate - which means, make others feel - what he feels? Throughout his life, and especially in his last years, Rousseau strove to prove his truth, that is, the veracity of what he felt in his heart. This dissertation aims to demonstrate the importance of inner feeling in his attempts to tell the truth. By identifying this term, which has a long philosophical tradition, with "inner voice" and "consciousness", Rousseau simultaneously emphasizes its universality and its interiority in his some works in order to persuade his readers. Moreover, beyond the term "inner feeling" itself, he appeals to the nature of feeling which is doubly undeniable by its universality and its interiority. Finally, he tries to invent a new form of communication of the feeling with the readers by the autorepresentation. The analysis of his autobiographical works allows to trace this difficult itinerary of the creation of the sphere of the communication of feeling with the readers, and, finally, its failure.