Le récit de soi : poétique et politique de la dissemblance : Jean Paul, Ugo Foscolo, Stendhal, Gérard de Nerval
Résumé
Il s’agit de reprendre la question autobiographique à l’époque où le genre se constitue en Europe, au premier XIXe siècle, en déplaçant le regard vers les marges du genre. Les œuvres de Jean Paul, d’Ugo Foscolo, de Stendhal et de Gérard de Nerval sont d’abord étudiées sous l’angle de la poétique des genres dont elles déstabilisent les catégories. La thèse déplace la question générique en soulevant les enjeux éthiques et politiques du récit de soi qui sont liés à l’expérience du sujet et du temps. À côté de ce qui deviendra le canon en matière d’autobiographie se dessine une autre ligne autobiographique qui, en souvenir de Laurence Sterne, se place sous le signe de l’imagination et de l’arabesque. Les œuvres du corpus mettent en évidence la ligne de poésie de la vie et du sujet. Ces poétiques autobiographiques excentriques manifestent une dissemblance de soi, du temps et de l’histoire. Elles mettent en crise l’identité pensée comme « mêmeté » et l’idée d’un temps homogène. Le soi n’est pas un ; l’autobiographe n’est seul ni dans sa peau, ni dans sa langue, ni dans sa plume ; il se déplace entre les lieux et entre les langues, ne trouvant pas d’assise. La figure de l’auteur est plurielle et collective, en rupture avec le mythe du génie. Aux transfigurations de soi s’ajoutent les transfigurations de la mémoire qui ressaisit le passé au présent et pour l’avenir. Expérience mélancolique de revenance, le récit de soi multiplie les fantômes qui sont le signe d’un deuil personnel et des disjonctions de l’histoire. Témoignant des révolutions du siècle, l’autobiographe ouvre aussi l’histoire individuelle et collective : le récit de soi est prospectif. C’est une mémoire au futur.
Abstract
The thesis takes up the question of autobiography by focusing on works at the margins of the genre during the early 19th century, the period in which autobiographical writing in Europe came into its own. The works of Jean Paul, Ugo Foscolo, Stendhal and Gérard de Nerval destabilize established generic and canonic categories. They do so by pointing to the ethical and political issues at stake in the narration of the self, which are in turn linked to the experience of the subject and of time. The thesis thereby identifies and explores another autobiographical “line” emerging alongside canonical forms of the genre, a “line” which recalls Laurence Sterne through the use of arabesques and the reliance upon imagination in life narratives. These works emphasize the “line of poetry” which constitutes life and the subject. The poetics of these eccentric autobiographical works explores dissemblance in writing the self, time, and history. They question reductive understandings of identity as ‘sameness’ and conceptions of time as homogenous. The self is not ‘one’; the autobiographer is alone neither in his body, nor in his language, nor in the act of writing. Rather, he is in constant movement between places and languages, unable to establish a stable grounding for his narrative. The author’s persona is multiple and collective, inverting the myth of the romantic genius. Such transfigurations of the self are tied to transfigurations of memory, which allow for the past to be reenacted in the present and for the future. This melancholic experience is also one of haunting, for narratives of the self draw on the figure of the phantom as a sign of mourning for both personal and historical disjunctions. As witnesses of recent or contemporary revolutions, the autobiographers stress the incomplete nature of both individual and collective history, that is, the potential that such history contains. Narrating the self is therefore prospective; it is memory addressing the future.
Jury
Samoyault Tiphaine, Haddad-Wotling Karen, Dayre Éric, Forest Philippe