L'autobiographie sans frontières : espace et déconstruction de l'identité dans les oeuvres de Colette, Nathalie Sarraute et Hélène Cixous
Résumé
Cette thèse revisite la question de l’« écriture féminine » dans trois textes littéraires de nature autobiographique : La Maison de Claudine de Colette, Enfance de Nathalie Sarraute, et Les Rêveries de la femme sauvage d’Hélène Cixous. Les auteures de ces textes récusent chacune à sa manière la féminité classique et sa mise en récit traditionnelle. En même temps, elles refusent les formes conventionnelles du récit linéaire, chronologique, et unifié. Car toutes les trois se positionnent d’une certaine façon dans un espace de l’entre-deux : entre le genre de l’autobiographie et celui du roman, entre le masculin et le féminin, entre deux langues, entre deux nations, entre deux demeures. Et chacun de ces textes accorde une grande place aux voix des autres : de la mère, du frère, voire d’un double anonyme, créant un espace de l’entre-deux à l’intérieur même de la voix narrative. Dans les textes de ces auteures, l’autobiographie n’est plus « l’écriture du moi », comme dans le modèle conventionnel du genre, mais devient « l’écriture de l’entre-nous ». En me servant d’une méthode de lecture qui doit beaucoup à la déconstruction et à la critique littéraire féministe dans toutes ses formes, j’examine la façon dont cette écriture autobiographique féminine déstabilise les frontières entre l’intérieur et l’extérieur, le moi et l’autre, le corps et le texte. Au cours de cette étude, je montre comment des femmes écrivains, autrefois reléguées à une place marginale dans l’histoire littéraire, se créent des espaces artistiques adaptés, s’inscrivent dans une nouvelle généalogie féminine et ouvrent les frontières de l’écriture autobiographique.
Abstract
This dissertation reexamines the question of “écriture féminine” or feminine writing in three literary autobiographical texts: Claudine’s House by Colette, Childhood by Nathalie Sarraute, and Reveries of the Wild Woman by Hélène Cixous. The authors of these texts, each in her own way, reject classic conceptions of femininity and its traditional textual representation. At the same time, they refuse the conventional forms of the linear, chronological, unified narrative. All three position themselves in some way in an in-between space: between the genre of autobiography and that of the novel, between the masculine and the feminine, between two languages, between two nations, between two residences. Each of these texts leaves a great deal of room for the voices of others: the mother, the brother, even an anonymous double, creating an in-between space inside the narrative voice itself. In the texts of these authors, autobiography is no longer “writing myself”, as in the conventional model of the genre, but becomes “writing between ourselves”. Using a method of reading that owes much to deconstruction and to feminist literary criticism in all its forms, I examine the way in which this feminine autobiographical writing destabilizes borders between the interior and the exterior, the self and the other, the body and the text. In the course of this study, I show how some women writers, once relegated to a marginal place in literary history, create suitable artistic spaces, inscribe themselves in a new feminine genealogy, and open the borders of autobiographical writing.