La place de la littérature dans la construction mémorielle de la résistance en France, de la Libération à nos jours
Résumé
Cette thèse consistera en une histoire des réceptions des textes littéraires traitant des situations de résistance de la Seconde Guerre mondiale, parus en France de la Libération à nos jours. Elle étudiera les résistances dans leur pluralité : en réseau ou isolée, effectuée de façon systématique contre l'oppresseur, ou entendue de façon plus large comme lutte intérieure et maintien de la dignité, surtout dans le cadre de la déportation. Ce travail interrogera les expériences résistantes telles qu'elles sont exprimées dans les œuvres, et, de façon plus essentielle encore, la manière dont les publics, les lecteurs ont reçu les traitements littéraires de ces situations conflictuelles polymorphes. Qui a rapporté ces paroles, pour reprendre l'interrogation de l'écrivain Charlotte Delbo, survivante des camps, mais surtout quand et comment ces legs littéraires et mémoriels ont-ils été perçus ? Qu'ont dit les écrivains de leur(s) guerre(s), et qu'en fut-il retenu ? Notre recherche sera un examen critique et historicisé, qui articulera l'écriture (prose testimoniale ou fictionnelle, poésie, théâtre, écritures de soi tels les mémoires ou journaux intimes) à la société qui la reçoit. Nous questionnerons la place de la littérature dans la cité, ainsi que les représentations qu'elle contribue à forger selon qu'elle a été investie ou non de la mission de consacrer une mémoire. L'exploitation de sources de réception conférera à la thèse une ouverture large sur d'autres sciences humaines et sociales. Outre le corpus littéraire donc, il s'agira d'analyser réceptions critiques, telles les revues littéraires, et réceptions publiques, destinées à de plus larges lectorats et faisant l'objet de choix pédagogiques, mémoriels et/ou idéologiques. Nous examinerons la sélection et les enjeux associés aux textes littéraires sur la résistance au sein des manuels scolaires et universitaires ; la place de ces œuvres écrites dans les parcours muséographiques ; les références et citations dans les discours donnés lors de cérémonies commémoratives en France. La thèse analysera les phénomènes de patrimonialisation et canonisation appliqués au littéraire, examinant l'interaction entre littérature et politique sous l'angle de la réception. La persistance, la mise à l'écart ou la résurgence d'œuvres, sujets ou événements dans la littérature comme dans les discours institutionnels s'inscrivent dans un faisceau d'histoires. C'est en ce sens que nous interrogerons les diverses façons dont la littérature participe aux constructions mémorielles de la résistance, ce qu'elle dit de nous, lecteurs et/ou écrivains français, et de notre histoire nationale.
Abstract
This dissertation will provide an history of the receptions of literary texts dealing with situations of resistance during the Second World War, published in France from the Liberation to the present day. It will study the resistances in their plurality : through resistance networks or led individually, carried out systematically against the oppressor, or understood more broadly as internal struggle and the preservation of human dignity, especially in the context of deportation. This research aims at questioning the experiences of resistance as expressed in the works, and, most importantly, how audiences readers received the literary treatments of these polymorphic war situations. Who did carry the word, if one were to quote the writer Charlotte Delbo, survivor of the concentration camps, but most of all when and how were these literary and memory legacies received ? What did writers say about their war(s), and what has been selected from it ? Our work will be a critical historicised examination that will consider both the writing (whether it be narrative testimonies or fictions, poetry, drama, writings of the self such as memoirs and diaries) and the society that receives it. We will discuss the place of literature in the public sphere, as well as the representations it contributes to create depending on whether it has been invested or not with the mission of preserving memory. The study of reception sources will give to the dissertation a considerable scope, as it will draw on on other fields of Humanities and Social Sciences. Besides the literary corpus, it will analyze critical receptions, such as in literary magazines, and public receptions, intended for wider readerships and subject to pedagogical, memory and/or ideological choices. We will examine the selection and issues associated with literary texts about resistance in textbooks from primary schools to universities ; the place of these written works in museum exhibitions ; and finally, literary references and quotations in the speeches given during commemorative ceremonies in France. The thesis will tackle the phenomena of patrimonialization and canonization in the literary field, discussing the interaction between literature and politics from the angle of reception. The persistence, the marginalization or the resurgence of works, topics or events in literature as well as in institutional discourses are all part of a network woven by different histories. In this way, we will question the several ways in which literature takes part in the memory construction of resistance, what this phenomenon discloses about us French readers and/or writers, and about our national history.
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