Ecriture du corps et discours clinique dans les autobiographies d'anorexie-boulimie

Auteur de la thèse: 
Directeur de thèse: 
Grossmann Évelyne
Université: 
Université Paris Cité
Année de soutenance: 
2013

Résumé

Par une approche interdisciplinaire, cette étude analyse les ambitions et les processus d'écriture des témoignages de personnes atteintes par l’anorexie-boulimie en confrontant l'univers du discours clinique à celui de l'autobiographie. Le corpus se compose de récits rétrospectifs et journaux personnels, certains inédits, de 1977 à 2007, d'auteurs hommes et femmes, d'origine française, britannique, américaine et canadienne. Le contexte de ces écrits est d'abord éclairé par une étude diachronique qui montre le tabou des troubles alimentaires au masculin et la mystification de l'anorexie au détriment de la boulimie. Ce contexte est essentiel pour comprendre les motivations des écrivains et écrivants du corpus, l'analyse stylistique de ce dernier souligne un certain nombre de procédés communs ainsi que le rôle essentiel de la temporalité. Il apparaît ensuite, par l'observation de l'écriture du corps, la difficulté de témoigner d'une maladie où le corps tend à la disparition ou à l'obsession. L'autopathographie peut alors s'imposer comme unique mode d'expression. Le langage est mis à mal par la pathologie et l'écriture n'est donc pas toujours thérapeutique. Cette thèse démontre qu'au-delà de l'aspect documentaire, ces textes s'apparentent souvent à des réquisitoires. Dans les récits d'hospitalisation, la violence institutionnelle sur les corps rejoint la violence intellectuelle du pouvoir psychiatrique et son discours. De fait, surgit dans ces écrits la force du témoignage comme lieu de résistance. Mais l'autobiographie peut devenir une étude de cas, et la pathologie une identité, l'écriture de soi devient problématique et se heurte à certaines limites.

 

Abstract

Taking an interdisciplinary approach, this study analyses the ambitions and the writing processes found in personal accounts from individuals suffering from anorexia-bulimia, by comparing the spheres of clinical and autobiographical discourses. The corpus consists of retrospective narratives and personal diaries, some unpublished, from 1977 to 2007, from men and women, of French, British, American and Canadian origin. The context of these writings is first of ail clarified by a diachronic study which demonstrates the taboo of eating disorders in men and the mystification of anorexia to the detriment of bulimia. This context is essential to understanding the motivations of the writers, both professional and non-professional, of the corpus, whose stylistic analysis emphasizes a number of common procedures as well as the essential role played by temporality. What emerges next, through observing the writing of the body, is the difficulty of giving an account of an illness where the body tends either to disappear or to become an obsession. Auto-pathography may then impose itself as the sole means of expression. Language is damaged by pathology and writing is thus not always therapeutic. This thesis shows that beyond their documentary features, these texts often resemble indictments. In narratives of hospitalization, the institutional violence inflicted on bodies converges with the intellectual violence of psychiatric power and its discourse. In fact, in these writings what emerges clearly is the force of testimony as a site of resistance. But autobiography can become a case study, pathology an identity; self-writing becomes problematic and runs up against certain limits.